jeudi 12 juin 2008

Barack Obama et l’Afrique.

Les campagnes électorales occidentales laissent en général peu d’intérêt à l’Afrique à la différence d’autres régions du monde, Proche-Orient, Europe, Amérique de Sud, Chine, Inde … Il est donc rare pour des candidats, de développer un discours élaboré, clair et rodé sur l’Afrique avant les phases ultimes des campagnes, une Afrique essentiellement vue sous le prisme des misères, du sous-développement et de la corruption vis-à-vis de laquelle les multinationales et Etats occidentaux que si peu à voir. Une vision médiatique archi dominante. Et Barack Obama que penserait-il de tout cela ?

Certes le jeune sénateur de l’Illinois a déjà épaté son monde en 2006. Lui qui n’a jamais vécu en Afrique et qui a à peine connu son père kenyan, faisait une visite chaleureuse et très populaire dans son pays d’origine en août 2006. Pendant longtemps son site Internet a exhibé les précieuses photos du jeune et ambitieux politique sur ses terres ancestrales, prenant bains de foule et contacts humains, dans les bras d’une grand-mère par-ci, enfants portés sur lui par-là.

Sur les quelques propos qu’on lui a retenu sur l’Afrique, deux attitudes se dégagent, qui pourraient être comprises d’un côté comme une invitation à davantage de droits et de règles démocratiques à l’adresse des dirigeants et de l’autre un propos tourné vers les Africains Américains qui auraient une attitude ambiguë à l’endroit de l’Afrique.

Ainsi déclarait-il en 2006 [Essence, October 2006] : «Les Africains devraient se sentir plus responsables de leur salut. La communauté Africaine Américaine ici être plus attentive à leurs problèmes. De l’autre côté les dirigeants africains doivent créer un environnement juridique non corrompu, transparent»

Une telle position, donnée dans un magazine n’ayant pas de vocation politique à proprement parler ne vaut pas une profession de foi électorale ni une doctrine ficelée. Elle laisse entrevoir une approche faite d’une incitation à plus de solidarité africaine américaine couplée à davantage d’efforts de la part des politiques africains. Ce qui tout en étant vrai semble en quelque sorte faire fi des calculs de géopolitiques des grandes compagnies qui entraînent les Etats dans leurs programmes privés …

Barack Obama ne renvoie pourtant pas vraiment les parties -Diaspora et dirigeants africains- dos à dos puisqu’il y a des années, il regrettait certaines ambiguïtés de comportements des Africains Américains [Crisis, October 1995]: «Les Noirs américains ont toujours eu une relation ambiguë à l’Afrique. Aujourd’hui nous portons des vêtements Kente, célébrons le Kwanza, et collons des posters de Nelson Mandela sur nos murs. Et quand nous voyageons en Afrique et découvrons que tout n’est pas beau et brillant, nous en revenons souvent profondément déçus».

Une analyse qui montre que la réappropriation des racines, de l’histoire ne suffit pas toujours à faire comprendre, sentir le présent, dur, moche, hideux, déroutant quelques fois mais pas exclusivement du continent. Certes on pourrait présenter un meilleur visage de nous-mêmes, afin déjà de nous aimer davantage, cela rendrait la fraternisation avec la grande famille déportée plus aisée. On pourrait aussi arguer que la diaspora des Amériques et des Caraïbes par le témoignage de son existence même et consciente de l’écrasante charge africaine de faire sans ceux qui sont partis contraints, avec ce qu’ils représentent de forces, de savoir-faire, d’humanité, de créativité, de génie, pourrait avantageusement s’investir pour dépasser la première vue d’un continent pauvre et contradictoire.

La visite du sénateur Obama en août 2006 au Kenya renseigne néanmoins sur les centres d’intérêt du peut-être futur président américain. Il faut savoir que Barack Obama avait déjà fait la démarche d’aller à la rencontre de sa famille kenyane, de son village Kogelo à l’âge de 26 ans, malgré l’absence de son père décédé. Et cette démarche d’un fils d’Africain, américain de nationalité, élu de l’Illinois aujourd’hui est particulière, marquée par le sceau familial, affectif, ce qui n’est pas un handicap au contraire.

On pourrait y voir une préfiguration peut-être de relations diaspora-continent à la fois solidaires, fraternelles et professionnelles. Il n’est pas neutre que dans ses positions officielles le candidat à l’investiture démocrate ait parlé de la corruption [qu’il a présenté comme une mal universel], qu’il se soit livré devant les caméras et avec sa femme à un test de dépistage du HIV, secteur dans lequel il fait des donations à titre personnel [13000 dollars à la date du voyage] pour l’encadrement des orphelins du sida.

Il a fait des haltes très suivies dans des centres scolaires inaugurant un laboratoire de science au Senator Obama-Kogelo Secondary School. Des visites ciblées qui recoupent les thèmes de campagne du leader noir, éducation, santé, Hiv, prise en charge des familles, des enfants en difficulté, responsabilisation des exclus…

Le meilleur discours d’Obama à l’Afrique c’est probablement déjà d’exister, et de montrer que les limites raciales sont infiniment franchissables même aux Etats-Unis où l’histoire est ce qu’elle est.

(source : www)

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