jeudi 12 juin 2008

Un phénomène à la Barack Obama peut-il se produire en Afrique ?

Un phénomène à la Barack Obama peut-il se produire en Afrique ?

C'est fait ! A moins d'un cataclysme, Barack Obama sera le candidat du Parti démocrate lors de la prochaine élection présidentielle américaine. Dans le monde, beaucoup de Noirs ont suivi avec enthousiasme son aventure politique vers l'investiture, avec d'autant plus de passion que la vie politique plutôt fade de beaucoup de leurs pays les privaient d'un certain nombre de sensations fortes. Ils ont soutenu "le frère", en grande partie parce qu'il était "un frère". Ils ont, nous avons conspué les arguments racistes des Républicains ou du camp Clinton. Nous étions du côté de la jeunesse flamboyante, de la modernité, de la victoire des hommes sur leurs instincts grégaires.
Certes. Mais nous devons nous poser une question. Un phénomène à la Barack Obama peut-il se produire dans nos pays ? Car Barack Obama est un défi vivant à une certaine norme politique dans l'Afrique contemporaine : l'ethnicité, le repli communautaire, l'essentialisme primaire.
Au Kenya, le pays du père de Barack Obama, des politiciens ont réussi à pousser certains Kikuyus, Kalenjins et Luos à s'entretuer sous leurs bannières. Ceux qui ont cédé à la tentation "pré-génocidaire" l'ont fait parce qu'ils considéraient leurs champions comme des candidats communautaires, là où Barack Obama a été porté par un mouvement dépassant les fractures - bien réelles - de l'Amérique d'aujourd'hui.
Au Cameroun, il n'y a pas de citoyens dans l'absolu, il y a des membres de groupes ethniques reconnus comme Camerounais. Au collège, il est demandé de noter le département d'origine sur la carte scolaire d'identité - le département d'origine n'étant pas celui où l'élève est né, ni celui où ses parents sont nés, mais celui dont ses ancêtres étaient issus avant le vaste mouvement de migration interne qui a commencé au début du XXè siècle. Aujourd'hui, il y a des quotas ethniques officiels et discriminatoires qui existent lors des concours administratifs. Ce n'est pas du tout de la discrimination positive. Cette discrimination là ne vise pas à faire émerger des peuples historiquement défavorisés comme les Pygmées. C'est une forme de "containment" visant à empêcher, en dépit de la démographie et de la méritocratie, certaines ethnies "d'envahir" l'administration.
En Côte d'Ivoire, Barack Obama - que je ne peux imaginer autrement qu'en démocrate pacifiste - n'aurait pas pu se porter candidat à la magistrature suprême. La Constitution (choisie par référendum) l'en aurait empêché. Il aurait été un "ou", semi-étranger donc potentiellement dangereux.

Au Gabon, au Burkina Faso, Barack Obama n'aurait jamais pu être candidat !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Réjouissons-nous donc de la victoire du "frère", mais réfléchissons sur les raisons qui font que cette victoire aurait été impossible dans nos pays. Il est peut-être temps d'engager nos intelligences dans la construction de nations africaines non seulement indépendantes, mais aussi non raciales, non tribales, diasporiques. "Afropolitaines" (selon l'expression de l'histoirien camerounais vivant en Afrique du Sud, Achille Mbembe).

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